Stigmata Doloris 2008
Illustration de Trevor Brown
36- De blanc vêtu...
Elle n'aime pas que l'on parle de maladies, de médecins, d'hôpitaux et au final de tout qui se rapporte au domaine médical.
La simple vue d'une blouse blanche suffit à la faire frémir, les chaussons bleus à la faire tomber en pâmoison...
De nos longues discussions, au creux de nos oreillers intimes ou dans la vague tourmentée d'un coup de fil, le sujet avait été souvent abordé.
J'aime jouer avec les peurs et les angoisses des gens, j'aime « monter » un scénario qui confronte la « victime-consentante » avec ses craintes, lui apprendre à les apprivoiser, lui montrer le chemin délicieux de la « sublimation », celui qui rend nos phobies, nos craintes, nos douleurs acceptables.
J'avais donc décidé depuis un certain temps d'accueillir la demoiselle dans ma cave.
Ma cave... histoire tragico-comique d'une cave « redécouverte » lors de mes premiers travaux, d'une cave abandonnée lors d'une période où je doutais de tout, d'une cave renaissante et flamboyante suivi d'une cave « histoire d'eau ».
Ma cave...remaniée, restaurée, ayant retrouvé ses plus beaux atours après un déluge dantesque.
Une cave qui m'offrait enfin la possibilité de construire pour elle, un écrin de blanc...
Jouer avec les peurs n'implique pas forcément jouer avec ce qui fait peur, une différence subtile mais essentielle.
Pas question pour moi d'user et abuser des instruments et autres objets dénichés ici et là.
Je ne maîtrise pas, je ne contrôle pas, mon plaisir est plus cérébral que physique en somme...
Cérébral dans la recherche, dans la mise en scène, dans les allusions vis-à-vis de cette pièce qu'elle n'avait jamais vue, débarras obscur d'un vain passé.
Cette cave « histoire d'eau » devenait une cave « histoire d'O », une cave au décorum prêt à devenir le réceptacle de nos nouveaux jeux.
Tout fut mis en place...
La découverte de cet endroit pour la demoiselle fut fort différent de ce que j'avais prévu, le manque de temps des derniers jours passés ensemble a préparer une réunion entre amis, mes horaires à nouveaux pleins d'impératifs ont fait que ce que je prévoyais disparu dans le flot tourmenté des évènements.
Il y eut donc une découverte « informelle » de l'endroit, une descente de l'escalier de bois, une porte close depuis des mois qui s'ouvrit et l'illumination de cette pièce dédiée à des jeux peu sages.
Je ne pouvais m'imaginer son expression, son regard qui survola d'emblée le blanc aveuglant, la table aux attaches, le reflet chromé des instruments chirurgicaux alignés froidement, attendant d'entrer dans une valse sanglante...
Sans trop le savoir, j'avais fait mouche !
Une bâche plastique à même le sol, les sangles de la table, la lueur crûe du néon, autant d'éléments qui firent bafouiller la « fée »...
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« My good ! J'hallucine, t'es un malade, je sors avec Dexter ... ! »
Elle me confia que certaines choses avaient déclenché des vagues d'angoisses dans lesquelles se mélangeait une excitation « morbide ».
Il n'était pas prévu de « jeux »...
Mais comme tout n'était plus qu'improvisation, elle se retrouva donc a demi-nue sur la table.
Le skaï noir, les sangles qui maintiennent fermement ses bras, mes mains qui commencent à la caresser.
Tremblements, peur, sécheresse de ses endroits intimes...
Caresse, main sur son corps, ses seins, réactions de sensibilité exacerbées proches de la douleur.
Tremblements qui se confondent en mouvement du bassin, détente, humidité chaude d'un sexe qui s'ouvre.
Des aiguilles, une seringue, un jeu de qui « perd-gagne », une illusion et une acceptation...
Je lui montre les seringues, les aiguilles alignées, les lancettes prêtent à officier.
Un objet qui s'égare, une seringue qui s'approche de son ventre, elle se laisse aller, s'abandonne quand l'aiguille s'enfonce dans son bas-ventre...
Illusion, juste une illusion, suffisante pour la faire trembler, un « tour » de magie pour aller plus loin...
Gants de latex, huile, massage sur ses rondeurs, les globes luisent, sa peau se détend, ses chairs s'humidifient à nouveau.
Quelques gémissements, je prends un à un les instruments, la lueur du néon amplifie le côté brut de métal, soupesant une autre menace.
Pinces prenant le téton « affolé », lame parcourant son intimité, objets fantasmagoriques, cauchemars de ses nuits qui valsent devant ses yeux.
Je les apprivoise, elle se détend.
A la lueur d'une flamme, quelques gouttes de cire tombe sur ses épaules, autre épreuve qu'elle redoute.
Elle supporte sans broncher, y trouve-t'elle un plaisir nouveau ?
Je ne sais le deviner que par les mouvements de ses épaules qui glissent vers la chaleur de la flamme.
Objet mythique, un spéculum de métal sort de son étui, autre nouveauté, autres massages, le corps se défend, le corps se détend.
Doucement, il s'introduit, joue avec ses chairs, heurte ses lèvres et écarte son sexe martyr.
Vision pour le Lycan de son intimité profonde, envie de réouvrir cet obscur objet du désir, d'aller plus loin.
Mais la sagesse me conseille de ne pas poursuivre, s'arrêter pour mieux recommencer plus tard.
Abandon et remontée vers la lumière, vers nôtre chambre, nôtre lit, de longs ébats qui s'en suivent...
Ce n'est qu'un début, cette pièce appelle d'autres moments, d'autres jeux...