Stigmata Doloris 2008


 

27 - Hévéa...

 

"Quelques part à Las-Vegas, dans un bac à sable, le corps d'une jeune femme est découvert dénudé, seul indice, un bout de latex et un éclat de métal..."

C'est sur cette intrigue que l'un des épisodes les^plus intelligents de la série "Les experts Las-Vegas" débute.

 

La rencontre de Grissom et de Lady Heather lors d'une enquête dans le milieu "sm" ou évolue cette dernière, une enquête loin de la caricature, une enquête toute en troubles, en messages feutrés entre ces deux personnages.

 

Une histoire qui se poursuivra dans d'autres épisodes de la série, un peu comme si sur un seul épisode rien n'avait été dit, à peine touché du doigt, des personnages plus complexes, plus troubles...

 

Cet épisode et son évocation intelligente et mature de la relation qui peut exister entre deux êtres a aussi été le point de départ pour la fée et le Lycan d'une discussion et d'une envie de "latex liquide".

 

La soumise enduite de latex brillant, une seconde peau qui épouse ses formes, la sensation d'emprisonnement, des images ou des concepts qui nous ont donné à tout les deux cette envie d'essayer...

 

Essayer...

Terme générique qui veut dire dans mon cas une réflexion, une recherche sur cette pratique qui semble si "usitée".

Et bien après pas mal d'heures sur le net, faisant chauffer "Altavista" pour avoir de quoi pouvoir me faire une opinion, je n'avais rien...

Quelques sites d'artistes montrant ici et là des photos de mannequins couverts d'une substance grumeleuse à souhait, quelques photos d'essais divers, la même et sempiternelle ritournelle sur les vertus du latex liquide reportée moult fois d'un site de vente par correspondance à un autre, bref pas d'éléments probants...

 

Seule une amie du net pourra me donner son impression très très mitigée sur son expérience du latex liquide..."je n'en ai pas un bon souvenir..."

 

Sur d'autres sites de professionnels du maquillage et costumiers, le latex liquide dérivé de l'hévéa est même proprement déconseillé à même la peau, pour qu'il se maintienne en état liquide, le solvant (terme déjà barbare...) étant de l'ammoniaque.

D'autres conseillent de prendre des précautions multiples d'aération, de limiter les surfaces, et surtout d'enduire les parties à recouvrir de vaseline ou d'huile...

 

C'est ainsi que je me retrouve avec quelques brides d'informations qui remettent à plat cette notion "sublime" et "esthétique" que clochette et moi avions discerné dans cette pratique.

 

Profitant d'un passage sur Bruxelles, dans une galerie ou je fais parfois quelques emplettes, je trouve en vitrine, le produit recherché.

Je pose bien entendu des questions à la vendeuse qui ne peut me répondre... hormis le fait que le latex peut être teint en de multiples coloris.

Deux "kits" sont en vente, l'un avec un pinceau et un rouleau en mousse, histoire de pouvoir enduire l'heureuse volontaire, l'autre plus basique, composé d'un étui de carton brut dans lequel je retrouve un container hermétique d'un liquide noir à l'odeur d'ammoniaque plus que certain.

 

De retour chez moi, première tentative, appareil photo d'une main ou posé à même le bureau, protections diverses, j'applique à même le bras le latex liquide.

Première impression de froid, d'odeur forte qui vous prend au nez, on s'y habitue vite, j'ai l'habitude de travailler dans des atmosphères de produit divers qui vous prennent la gorge...

La sensation de froid passé, l'odeur dissipée, une autre odeur, plus douceâtre, voir appétissante, celle du "chocolat", surprenante...

Le produit je l'applique avec un pinceau, c'est assez grossier, quand je repasse avec le pinceau sur des zones déjà sèches, des grumeaux se forment, l'aspect est assez différent du côté "lisse" vu dans le feuilleton...

Je comprends le pourquoi du rouleau en mousse, un résultat plus rapide et un  grain plus fin...

 

Question sensation, je me laisse aller, l'avant bras devient la main, je passe et repasse, l'épaisseur devient appréciable, je e retrouve affublé d'un bras en latex noir, prothèse indécente et dangereusement troublante.

 

Temps de séchage, mon bras est étreint par cette seconde peau, l'odeur suffocante a disparue, l'appareil photo fait son œuvre de "témoignage".

La sensation est très agréable, ce contact du latex sur moi me rappelle comme je suis plus que sensible à cette matière, son aspect visuel, son odeur, d'autres "madeleines" qui ressurgissent.

 

Le temps passe et s'écoule, il est temps pour moi d'enlever ce "gant" à même la peau.

Je me rappelle que l'on pourrait en s'y prenant bien, pouvoir enlever le tout d'un seul coup, en laisser une trace, un objet fétichiste, assurer la pérennité...

J'essaie, difficile, compliqué, je n'ai pas mis d'huile ou un enduit quelconque sur mon avant bras, la seconde peau s'enlève mais par lambeaux, pas de douleurs, quelques picotements, je résiste bien à a douleur en somme, j'ose et continue, mon bras retrouve l'air libre...

 

Discussions avec clochette, échange de photos, de mes impressions, de son envie aussi, elle n'a pas l'air d'hésiter, elle est aussi l'instigatrice du projet...

 

Nous décidons donc d'essayer ensemble, un "bêta-test" , expression qui résume bien notre "expérience" en ce domaine.

 

Une soirée, l'obscurité est de mise ou presque dans le salon, des flammes crépitent dans la cheminée.

 

Clochette est presque nue, un masque sur les yeux...

L'appareil photo est à portée de main, quelques inquiétudes de la part de la demoizelle, elle n'aime pas qu'on la prenne en photo...


Le salon, la cheminée, semi-obscurité, clochette est debout, nue, un loup de cuir sur les yeux, ses longs cheveux attachés en un chignon qui repose sur sa nuque.


L'instant est presque grave, sérieux, empli d'appréhensions diverses.


J'ouvre le pot de latex liquide, une odeur d'ammoniaque s'élève et se diffuse dans la pièce.

Premier mouvement de clochette, un recul, premier commentaire, « c'est fort... ».


Nous avons discuté auparavant, je dois tester sur elle le produit sur une petite surface, les jambes ont été choisies, au moindre problème, promis, juré, je stopperai...


L'odeur est persistante, je m'y habitue, clochette un peu moins, je commence à appliquer le produit sur sa jambe gauche, au pinceau, l'aspect est déplaisant, des grumeaux qui apparaissent...


Je poursuis, je demande à clochette si elle va bien, si elle n'a pas de réactions d'allergies cutanées, la demoizelle est incommodée par l'odeur mais le contact du latex sur la peau ne la gêne pas.


Je continue, j'entame l'autre jambe, je change et passe du pinceau peu pratique au rouleau en mousse... le résultat devient esthétiquement beau, le produit s'applique facilement, une seconde peau recouvre la jambe droite de clochette.


Je succombe sous le charme, je continue et j'oublie...

J'oublie ma promesse, j'oublie que clochette qui n'aime pas être recouverte d'huiles ou de corps gras a sa peau directement en contact avec le latex qui se fixe instantanément, j'oublie aussi que l'odeur est forte, que clochette me le dis, que je ne l'écoute pas...


Elle bouge, se plaint dans quelques murmures de l'odeur qui lui monte à la tête, de sa gêne de respirer.


Moi je ne sens plus, l'odeur je m'y suis habitué...


Le latex s'applique si bien que très vite je déborde de la zone prévue, je remonte vers le torse, le dos, je couvre le ventre, la nuque...

Coup de rouleau après coup de rouleau, le corps de clochette se couvre de latex liquide sombre, elle se désincarne pour moi...

Ses deux seins deviennent le centre de mon attention et je m'y affaire.

Deux globes opalescents qui virent du côté obscur, objets de désir désincarné, objet d'une sollicitude égoïste de ma part.


Je peins une œuvre, clochette devient mon « Œuvre »...

Je sais que l'un de mes défauts est mon impulsivité, mon côté « jusqu'au boutiste », ce qui fait de moi un être capable d'aller jusqu'au bout des choses, de renverser des montagnes et d'aussi d'oublier celle qui me fait confiance.


Plus le latex couvre son corps, plus j'oublie celle qui se trouve enfermée dans ce cocon opaque.


« J'ai mal aux bras », « j'ai mal aux jambes », ce seront finalement les seuls phrases que j'entendrai de sa part, je vais occulter les gémissements, les halètements de ses poumons au prise avec l'odeur qui lui brûle la gorge...


Clochette a essayé un moment de me rappeler ma promesse, moi je l'oublie, je ne vois que l'objet devant moi, une créature chimérique toute en rondeur, toute en latex...

La « désincarnation », redoutable effet, quand « l'être » n'est plus « qu'objet »...


Après coup, je me rappellerai le pourquoi de cette expérience, son origine et aussi pourquoi dans le feuilleton qui nous avait servi de fil « conducteur », il y avait eu « dérapage mortel »...un Maître qui avait « désincarné » sa partenaire, qui avait projeté sur elle ses propres fantasmes, la transformant en objet de transfert de ses propres frustrations.


J'en oublie tout...

L'appareil photo fixe les images, clochette est là, devant moi, il n'y a que sa tête qui émerge de ce cocon d'obscurité qui lui moule le corps...


Le temps se fige, clochette est éprouvée, je devine le moment de la sortir de ce cocon...


Et là, tout s'enchaîne, s'emballe...

Les premiers morceaux viennent, sa seconde peau se pèle comme un oignon...

Et comme quand on pèle un oignon, les pleurs viennent...


Chaque goutte de latex a emprisonné le moindre poil, la moindre trace de duvet.

Et chaque morceau de latex que j'arrache, met à vif la peau de clochette.

Elle a mal, se tortille pour essayer d'atténuer la douleur qui devient de plus en plus vive.

Parfois, la « chance » semble lui sourire quand un plus grand morceau de latex vient, chance éphémère car la douleur est d'autant démultipliée.


Morceaux par morceaux, j'arrache la seconde peau de la demoizelle, il le faut, je n'ai pas d'autres alternatives.

Morceaux par morceaux, les gémissements sont de plus en plus sourds, je m'excuse auprès d'elle, essaie de la convaincre de tenir le coup, je me sens mal...


Et puis paradoxe, ses pleurs et ses gémissements, son regard qui se perd dans le vague, sa mine défaite, tout cela me procure une excitation malsaine...


Malsaine et violente mais combien excitante...


Malsaine car le fruit de mes débordements égoïstes, violente car j'y trouve une rare forme de plaisir, un plaisir purement sadique qui me submerge.


Sadique, je le suis, je ne le nie pas, mais un sadisme qui trouvait aussi une certaine noblesse dans le respect de ma partenaire.


Là, ma partenaire a été désincarnée en objet de mon attention...


Plaisir sadique, peut-être à postériori ai-je sublimé « l'immoral », le « non-acceptable » pour moi pour pouvoir continuer à la délivrer de ce carcan.


J'ai ressenti ce rare et problématique plaisir d'entendre des plaintes et des gémissements, des pleurs qui venaient de mon action, moi l'homme, le loup, le lycan...


J'ai ressenti le rare plaisir de la voir devenir encore plus petite, humiliée de la sorte de ne pas avoir pu se contrôler, se maîtriser...


Un plaisir égoïste qui a un prix...


Quand après une demi-heure de vive souffrance, je la retrouve muette devant moi, perdue dans ses pensées, plongée dans ses souffrances, dans son incompréhension de mon attitude.


La gueule de bois pour moi...


Le silence s'installe, il s'installera quelques jours, nous ne parlerons pas ou peu de ce qui s'est passé, les mots ne sont parfois pas justes ni appropriés, ils sont souvent maladroits.


Je me suis égaré, fourvoyé, j'ai succombé au piège de la désincarnation de l'être, j'ai oublié clochette et mes promesses.


Je pourrais avoir de multiples excuses mais l'essentiel est là, j'ai gommé, effacé celle qui se prêtait à mon jeu et l'ai sublimé en un objet, mais un objet n'a ni sensations, ni souvenirs au contraire de ma fée.


Après coup, il y eu quelques échanges sur ce qui s'était passé, cette histoire n'est pas encore passée, elle restera comme un avertissement pour elle comme pour moi.


Parfois, lors de discussions entre amis, nous abordons le sujet, de façon plaisante, j'en ris...mais je sais aussi et c'est la raison de ce récit que rien n'est clos, que ce qui nous est arrivé est « essentiel » dans une relation basée sur des jeux de maux.

Que ce qui peut sembler anodin, peut devenir un enfer pour l'un des deux...et que l'autre peut complètement oublier qu'il a devant lui sa partenaire, l'être aimée, sa soumise, son Appartenance...


 

Jeu 16 jui 2009 Aucun commentaire