Stigmata Doloris 2008
La Serenissima Signoria.
Un petit air de printemps et une envie folle de prendre l’air ont guidé nos pas vers cette exposition qui se déroulait au sein d’une cité festive dédiée au Carnaval.
S’il est facile d’évoquer mes contrées via des clichés d’apocalypse postindustrielle, d’endroits devenus des chancres de la société où vivent des hordes d’assistés en guenilles et autres tares, force est de constater qu’avec mes divers voyages ré exploratoires, je constate que cette vision est loin d’être la réalité du quotidien.
Ainsi, nos pas hésitants, nous ont guidés au sein d’une ville aux ruelles encore résonnantes du pas du Gilles, maculées de confettis, mais d’où exaltait une atmosphère semblable à celle qui régnait en son temps dans la République de Venise.
Celle-ci comme Binche, au final, ne vivait plus que pour la fête, la première le long d’une fête masquée qui se perpétuait le long de l’année, l’autre avec cet unique et paroxique point d’orgue qu’était le mardi gras.
Toute deux étant des villes sur le déclin, l’une de son commerce, l’autre de son industrie textile.
Liées par un ensemble troublant de similitudes, ces deux cités l’une fondée sur les eaux et l’autres sur la pierre dont les pavés et les murailles en sont les signes extérieurs les plus visibles, ne pouvaient donc qu’avoir que de troublants indices de bacchanales.
Passé le seuil, nous nous sommes donc égarés dans les arcanes d’une exposition mi-anthropologique, mi-érotique.
Masques et coutumes de sociétés diverses, danses et cérémonies secrètes, nous ont fait comprendre que la sexualité dans les sociétés dites primitives étaient si importantes car source de vie en elle-même, qu’elle ne pouvait être déclinée sous une forme quelconque de banalité.
Que ce que nous pouvions en tant qu’occidentaux prendre comme de la latitude, de la tolérance voire de la « pornographie » n’était qu’un ensemble d’objets sacralisés, de traditions destinées bien souvent a accompagner l’enfant vers le stade adulte.
Au fil des couloirs, des rythmes troublants et sauvages, nous en sommes arrivés aux évocations du carnaval dans notre société, du carnaval traditionnel, des costumes, des interdits et des transgressions.
Certains costumes de danseuses brésiliennes (les mulâtres), la tenue quasi fétichiste d’une créature mi bourgeoise-mi prostituée, composée d’un côté d’un body en cuir clouté et résille, de l’autre d’une robe de velours noir et d’un masque grimaçant, nous ont conduit à cette constatation que le carnaval était le moment privilégié ou au final les masques tombent…
Et puis, au détour d’une pièce, une autre évidence, celle que toutes créatures mythiques du carnaval, avaient avec elles, un objet transitoire destiné à fouetter, pincer, frapper, flageller voire fustiger l’autre…
Le « fouet » des meuniers de Limoux, la « haguette » des Cantons de l’Est autant d’instruments d’une saine inquisition, autant de privilèges pour l’innocente qui se voit ainsi honorée par des gestes « barbares ».
Les quelques marches d’un escalier nous mena donc vers d’autres pièces, le temps d’entrevoir derrière un rideau un « ultime avertissement », nous accédâmes alors à la seconde partie de l’exposition, celle consacrée à Marco Bertin et son travail sur le carnaval de Venise.
Images sépia, moments grotesques ou troublants, regards troublants ou troublés, masques qui ne cachent que le visage laissant le reste du corps à nu, seins pointant, provoquant même pour une clochette qui se découvre l’excitation du voyeurisme.
Ce trouble, léger, se confirma quand bons derniers visiteurs, nous sortîmes de l’exposition en emportant avec nous, un recueil des plus belles photos de Marco Bertin, histoire de mieux les revisiter le soir au coin de la cheminée.
Trouble qui se transforma en exaltation quand clochette découvrit que ce livre n’était pas seulement un recueil de photographies mais aussi un ensemble de quatre disques de musique italienne, baroque, morceaux choisis destinés à accompagner nôtre revisite de cet ouvrage d’art impie.
Sur la route pavée, clochette s’est même permis de faire résonner dans la « wolfmobile », une musique digne de la grande époque de la Serenissima.
Marco Bertin
Masquerade: Una Festa Privata Veneziana
edel CLASSICS GmbH
http://earbooks.net/index.php?id=27&L=1&cHash=34d0920fbb#earbook(9783937406336-28)
Le lien direct permet de feuilleter quelques pages du livre tout en écoutant quelques morceaux choisis.