Stigmata Doloris 2008
Crédit image : Frank Frazetta
Indiens (Karine)
L’autre jour, cher ami, vous m’avez fait rêver d’indiens.
Je me suis revue dans une vie antérieure.
C’était il y a bien longtemps.
Je ne me rappelle pas des évènements précis qui m’ont fait être adoptée par cette tribu, mais mon père Faucon agile me l’a raconté.
Je faisais partie d’un convoi de pionnier, je devais avoir deux ou trois ans à l’époque.
Le convoi fut attaqué.
Par je ne sais quel miracle, je réussis me cacher, et par un non moins grand miracle à être recueillie par une tribu qui non contente de me sauver m’a adoptée comme membre à part entière et non comme esclave comme cela se faisait à cette période de l’histoire.
Peut-être étais je encore bien jeune ?
Où peut-être était-ce mes cheveux blonds qui les ont intrigués ?
Ou bien encore est-ce le fait d’avoir tiré les tresses du chef en lui décochant un éblouissant sourire ??
Je n’en sais rien et je ne le saurai sans doute jamais …
Je me suis donc revue à une vingtaine d’année, fringante pouliche comme disait mon père qui m’avait appelée Lune vivante sans doute en hommage à mes cheveux.
J’étais une squaw courageuse que de nombreux guerriers tentaient d’éblouir.
Il y en avait deux qui me plaisaient.
Tout d’abord, Cheval fougueux, un guerrier intrépide, qui me rapportaient les scalps des ennemis de mon peuple.
Et il y avait Tonnerre tranquille qui me proposait de devenir sa deuxième femme dans une vie pleine de sagesse et de bon sens.
Mon père me pressait de choisir, sentant la vieillesse le gagner.
Je crois qu’il sentait aussi le désespoir qui commençait lentement à étreindre son peuple qui avait faim et devait reculer face à l’envahisseur.
Qu’il désire savoir mon avenir assuré me faisait craindre le pire…et pourtant, je souhaitais le rassurer.
J’en étais là de mes incertitudes, faisant un peu durer la cour de ces guerriers tellement cela me plaisait et ne sachant lequel choisir : un avenir calme et sur ou bien un risque permanent, celui d’être veuve bien avant d’avoir pu enfanter.
Et puis il est venu, lui, l’étranger aux cheveux couleur de blé comme les miens.
Ce n’était pas un ennemi, tout juste un trappeur… et pourtant, je sentais confusément comme une menace pour moi.
Je l’observais à la dérobée pendant les négociations. Il paraissait sur de lui, tranquille mais prudent.
Et il m’a vue.
Il m’a regardé comme s’il n’avait jamais vu d’indienne jusque là.
Qu’avais-je au juste ?
Etais-je couverte de boue après la lessive ?
Ou bien étais-ce que je l’avais regardé trop effrontément ??
Toujours est-il qu’il parla à mon père qui commença à me regarder à la dérobée. « Organisons un conseil ce soir » dit mon père.
Assurément, ce ne pouvait qu’être de mauvais augure.
J’ai attendu, guetté les guerriers, essayé de comprendre ce qui se passait mais si la discussion paraissait houleuse, elle semblait ne pas avoir de fin.
Je finis par m’endormir.
Ce fut mon père qui me réveilla le lendemain matin. « Ma fille, me dit-il, mon cœur saigne mais tu dois partir avec cet étranger ».
Comme réveil, ce fut brutal, et seule une protestation put sortir de ma gorge.
« Quoi, mon père, vous souhaitez me voir avec cet étranger plus proche des ennemis de mon peuple, qu’avec nos valeureux guerrier ?»
« Ma fille, tu es de naissance de la race de cet étranger. Tu es et resteras ma fille. Mais je songe à ton avenir et je le crois meilleur si tu le suis. Il recherchera ta vraie famille, il me l’a promis. Peut-être seras-tu le lien entre notre peuple et le leur ? »
Je pouvais protester mais je suis vite tombée à court d’argument.
Je refusais de quitter tout ce qui constituait mon cocon, ma sécurité et mon peuple, mais mon père le voulait, il était sage.
Je lui ai donc obéi.
Je suis donc parti avec l’étranger, chevauchant ma jument, dernier cadeau de mon père.
J’en voulais à celui qui m’avait dit s’appeler Nathan.
Il me parlait parfois dans une drôle de langue mais curieusement, j’arrivais souvent à comprendre ce qu’il voulait me dire.
Il faut dire qu’il n’était pas avare de gestes.
Par contre, ma langue, qu’il utilisait aux camps, il ne la parlait plus...
Encore un mystère étranger ??
Je le trouvais dur.
Il voulait absolument que je mange avec des objets bizarres en métal.
Il ne comprenait pas que je n’aimais pas ce qu’il me préparait.
Chaque fois que je refusais de le comprendre, il se mettait en colère.
Chaque fois que je refusais de manger aussi.
Mais je ne mourrai pas de faim, étant parfaitement capable de subvenir à mes propres besoins. Sa présence me devint vite intolérable.
Mon père m’avait parlé de cité ou des milliers de guerriers, squaws et papooses pouvaient cohabiter.
Mais seulement imaginer qu’il puissent être si nombreux et si difficiles me convainquit que là n’était pas ma place.
Il ne me restait plus qu’à retourner vers mon père...
Ce que je tentais de faire à la première occasion qui se présenta peu après.
L’étranger avait décidé de passer par un chemin difficile mais pas impossible pour ma jument adorée.
Par contre, son cheval ne devait pas en avoir autant l’habitude.
C’est sur cela que je misais en démarrant au galop.
Ah !! Ivresse d’avoir vaincu !! Ivresse d’être supérieur aux étrangers !! Mon peuple est et sera !!!
Sauf que….quelqu’un m’a attrapé, laissant mon cheval continuer et me hissant sur le sien.
Un regard noir m’a cloué sur la selle.
Un regard furieux et appartenant… à l’étranger !!!
De frayeur, je fus paralysée, je ne bougeais plus, ne sachant pas ce que pouvait déclencher un seul mouvement.
J’ai eu peur, oui vraiment peur.
Ses seuls mots furent « plus jamais, vous entendez, plus jamais »...
Je compris bien plus tard que ce jour là, il avait eu peur pour moi.
Mais là, ma peur se mesurait pour la première fois à ma détermination.
Et je ne savais toujours pas qui allait en sortir gagnant.
Je fus sage pendant environ trois jours, juste le temps de constater que l’étranger avait oublié. Et je fis ma seconde tentative.
Il avait la ridicule manie de prendre un bain à chaque fois qu’il croisait une rivière.
Ce qui arrivait souvent, cette région étant très humide.
Et donc, je profitai qu’il était en partie dévêtu pour me sauver en emportant ses vêtements.
Ce soir là, je me fis un repas fabuleux avec un lièvre piégé et des baies cueillies.
Fière d’avoir une fois de plus gagné sur l’étranger, sur le peuple auquel soi-disant j’appartiens.
Et je suis repartie au petit matin, chevauchant fièrement ma jument au soleil levant.
Et la tornade s’est de nouveau abattue sur moi.
Un cheval et un cavalier étranger m’ont de nouveau capturée. Et cette fois-ci, le regard noir s’est fait encore plus noir si cela est possible, j’ai senti comme une détermination en lui. Et je me suis retrouvée une fois de plus sur sa selle et son cheval.
Et tremblante, car je sentais sa colère encore plus vive.
« Vous resterez avec moi » m’as-t-il dit, et je ne pouvais malheureusement pas le contredire ? « Je vous empêcherai de repartir ». « Je ferai tout ce qu’il faut pour cela, y compris utiliser la force…. »
Bon, à partir de ce moment là ; je n’avais plus le droit qu’à une seule tentative.
Elle devait être réussir. Il y en allait de mon honneur et de celui de mon peuple…
J’ai donc patienté longtemps, très longtemps pour endormir sa méfiance.
J’ai presque coopéré pendants plus d’une lune.
J’ai réfléchi soigneusement à mon plan d’évasion. C’était ma dernière chance de vivre parmi les miens.
Il buvait souvent un infâme breuvage, très amer qu’il appelait café.
Pour lui c’était un plaisir et je savais qu’il boirait la tasse que je lui donnerai.
Ma grand-mère était une guérisseuse très réputée et elle m’avait appris à reconnaître quelques herbes.
J’en cueillais donc, de celles qu’on appelait herbe à ours.
Mélangé à n’importe quel breuvage, elle endormirait celui qui en boirait.
Je lui apportai de plus en plus souvent son café après l’avoir réchauffé.
Mon plan était au point !!
Le jour choisi, une légère brise faisait ondoyer la cime des arbres.
Le soleil était chaud mais sans taper.
J’ai attendu la fin de la pause déjeuner. Je lui ai servi son café, le cœur battant très fort mais en masquant mes sentiments.
Il a pris le breuvage, mais au lieu de l’avaler, il m’a regardé fixement.
« Vos yeux !!», me dit-il, « Il se passe quelque chose ».
Et il a reposé sa tasse par terre avant de s’avancer vers moi.
Chaque fois qu’il faisait un pas en avant, j’en faisait un en arrière.
Son regard s’obscurcissait et je sentais la panique m’envahir.
« Qu’as-tu fait ?? », « Qu’as-tu mis dans mon café ?? ».
Il s’est à ce moment là retourné vers l’endroit ou il avait posé sa tasse et je ne pus m’empêcher de frémir… un écureuil était là, allongé par terre, comme mort.
J’en profitai pour sauter sur ma jument et me lancer au galop, plus par désespoir qu’autre chose.
Une galopade derrière moi me confirma mes pires craintes, il me suivait et même me rattrapai.
Je talonnai ma pauvre jument qui accéléra au triple galop.
Peine perdue, je me sentie de nouveau happé par des bras puissant.
Je commençais à en avoir l’habitude.
Ce qui m’a surprise par contre, c’est de me retrouver en travers de la selle comme une vulgaire esclave que l’on venait de capturer.
Et dans ma panique, je me suis débattue, tentant de le frapper avec mes mains et mes pieds. J’ai eu la satisfaction de l’entendre gémir.
Mais au lieu de me lâcher, le trappeur a resserré sa prise d’une main et de l’autre a assené quelques claques assez douloureuses sur mon postérieur.
Moi, stupéfaite, je me suis immobilisée avant de lui donner un vicieux coup de genou dans les côtes.
Ce qui a déclenché, outre un grognement de douleur plaisant pour moi, une rafale de
claques sur mon postérieur qui me plaisait beaucoup moins.
« Tu ne bouges plus !! ».
Je décidai d’obéir, n’ayant d’ailleurs pas vraiment le choix, vu ma position précaire.
Le trajet du retour me parut durer des heures, ce qui me permit de sentir sous moi sa musculature puissante.
Je l’avais déjà vu (mais de loin) lorsqu’il se baignait et l’avait trouvée faible par rapport à nos guerriers.
Dans cette position, à même de la sentir, je n’en étais plus si sure !!
Je me tortillai, oh très légèrement, pour l’observer.
Il avait le regard fixe et sévère. Presque un guerrier. Je repris ma position car l’observer faisait travailler en moi des muscles inconnus et il m’était difficile de garder la posture.
Mais malgré moi, mon regard revenait sans cesse vers cet inconnu contre lequel j’étais prisonnière.
« Arrête immédiatement de bouger » me dit-il d’une voix bizarrement rauque.
Et je sentais au même moment un objet inconnu me pénétrer dans les côtes.
Objet que j’identifiais rapidement et qui me rendis perplexe.
Comment cet homme, visiblement furieux contre moi pouvait me désirer ??
J’ai donc craint ensuite qu’il me prenne comme ces pillards parfois.
Il avait promis à mon père de prendre soin de moi, mais que valent les promesses des étrangers ??
Pas grand-chose si j’en croyais les guerriers témoins d’atrocités.
Ils avaient vu des villages entiers mourir alors que le calumet de la paix avait été fumé.
Ils avaient vu des femmes avoir un enfant à moitié étranger.
J’avais peur de ce qui allait m’arriver.
Mais je ne pouvais rien faire dans cette position.
Nous sommes enfin arrivé au camp.
L’écureuil mort était toujours là !
Je sentis contre moi les muscles se crisper s’il est possible.
Il a sauté de cheval avant de me faire tomber (disons le) de ma position précaire.
Le moment était venu.
En guerrière courageuse, en digne descendante de ma tribu, j’allais assumer mon geste et en accepter le châtiment quel qu’il soit.
S’il souhaitait me torturer, s’il allait me violer, s’il voulait me tuer, je subirai avec dignité !!
Le face à face était tendu.
« Qu’as-tu mis dans mon café ? »gronda sa voix.
Ma réponse sonna à mes propres oreilles comme très ténue. « Juste de l’herbe à ours, cela ne fait qu’endormir ».
« Et si un ours, un vrai était venu me dévorer ?? » fut sa réponse.
Il est vrai que je n’avais pas pensé à ça, mais on ne peut pas penser à tout.
Et de toute façon, il était presque devenu mon ennemi…
« Tu es vraiment une femme trop gâtée ! » fut sa conclusion « Si tu ne comprends que la force, comme tes fameux guerriers, je l’emploierai ».
« Je vais te montrer ce qui t’arrivera chaque fois que tu me désobéira !! »
C’était certain, il allait me battre.
Je me figeai, me retirant loin en moi, là ou la douleur ne pouvait m’atteindre.
Il s’est assis sur une souche et m’a fait tomber en avant presque en travers de ses genoux.
Il n’allait donc pas m’attacher à un arbre ?
Sans les liens pour me retenir, comment allais-je faire pour rester digne lorsque la douleur serait trop intense ?
Sans parler de la proximité de ces muscles puissants !!
Et pan, et pan, re pan, encore pan tout ça sur le derrière.
Il se croyait un féroce guerrier le petit étranger ??
Il lui manquait encore beaucoup de pratique.
Il continuait à taper en rythme, comme sur un tambour, assez fort quand même, mais qu’étais-ce pour une fière guerrière ?
Je l’ai entendu marmonner quelque chose qui ressemblait à « tête de mule » que je n’ai pas bien compris et puis autre chose comme « que vais-je faire de toi ? »
Il a alors soulevé ma robe, dévoilant mon intimité.
D’une main, il continuait à me frapper mais plus lentement, presque tendrement et de l’autre me caressait le dos, me massait le cou.
Sa tendresse réussit là ou sa force avait échoué, je sentais ma carapace se briser.
J’avais envie de me blottir contre cet homme.
J’étais si seule et si loin de ma famille.
Il a du sentir quelque chose car son massage se fit plus insistant, m’enveloppant les reins. « Ma fière petite guerrière » a-t-il encore murmuré. Et je me suis mise à pleurer.
Il m’a alors prise dans ses bras, a posé ma tête dans son cou et j’ai trempé sa chemise.
Il sentait bon, il me caressait le dos. Il est descendu vers le creux de mes reins, puis sur mes fesses apaisant une cuisson que je commençais seulement à ressentir.
Il a soupiré et a essayé de m’éloigner de lui.
Je résistai, étant si bien. Mais j’en compris la raison, lorsqu’une bosse révélatrice apparut. J’étais gênée et fascinée à la fois.
J’avais envie de le câliner aussi. Je lui ai donc massé le cou.
Mes mains sont descendues le long de son torse, encadrant ses hanches.
Je lui mis ses mains autour de mes propres hanches, désirant me fondre en lui.
C’était un besoin primitif.
La mousse sur le sol nous a fait un lit de verdure.
Dois-je dire que ce soir là, nous n’avons pas dîné ?
Je préférai murmurer « Nathan » me gargarisant de ce mot et en assumant les conséquences. « Je t’épouserai, tu es mienne », que cela était doux à mes oreilles.
Un « Gare à toi si tu me désobéis ! » et une claque bien assenée me fit sursauter, mais son regard malicieux m’a rassuré.
Il faudra donc m’enfuir au moins une fois par jour pensais-je avant de m’endormir.
Et la lune nous a fait un berceau de lumière.
Texte de Karine