Stigmata Doloris 2008
Père Fouettard ce mal aimé…
En cette date du 6 décembre, force est de constater que face aux assauts du Père Noël, Saint Nicolas a bien du mal à résister en notre belgitude natale.
Je ne reviendrais pas maintenant sur les origines douteuses de « Santa Claus », gnome obèse et métissé d’une marque de soda, déposé en nos contrées durant la seconde guerre mondiale.
Je me ferais plutôt l’avocat d’une victime de dommages collatéraux, un individu à la tâche ingrate, mis aux bancs de l’infamie par une société trop politiquement correct…
« Père Fouettard » est en danger d’extinction culturelle car fidèle compagnon de Saint Nicolas (certains diront « exécuteur des basses œuvres » moi je dirais plutôt « main de fer destinée aux caractères bien trempés »), il devient de plus en plus absent de ce moment tant attendu qu’est la distribution des cadeaux ce 6 décembre, jour des enfants (et accessoirement des enseignants, éducateurs et autres…).
Je me souviens que durant mon enfance, chaque village avait son Saint Nicolas et son fidèle Père Fouettard, tout deux sentant bon un art de vivre aromatisé bien souvent à la « pils » et au « cervelas ».
Il n’était donc de fête scolaire en ce début décembre sans que nous nous mettions à revoir, petites têtes blondes, nos actes passés…
Car que ce soit dans la salle du foyer paroissial ou dans l’arrière salle du « Café du peuple », nous savions tous que nous allions devoir affronter un duo redoutable, un jugement en place publique avec comme redoutable et juste bourreau : Père Fouettard.
Bien entendu, il était plus question d’ambiance et de mythe, d’imaginaire enfantin que de châtiments corporels.
Mais devoir monter sur scène devant les autres, s’incliner devant Saint Nicolas dont le chapeau commençait à vaciller au fur et à mesure que la soirée se déclinait tout en gardant un œil torve sur cet individu redoutable tout de noir vêtu qu’était Père Fouettard, était une épreuve digne de faire fuir le galopin qui sommeillait en nous.
Il fallait s’imaginer un individu noir de peau, muet, le regard bien souvent appuyé et menaçant qui d’une main tenait un martinet…
Il fallait s’imaginer la pseudo-guerre psychologique que nos parents nous menait aussi avec cette menace ultime : « Si tu n’es pas sage, c’est Père Fouettard qui viendra… »
Tout un contexte d’histoires et de rumeurs que nous nous permettions d’enjoliver, chacun y ajoutant sa petite touche personnelle, histoire de rendre ce croquemitaine urbain encore plus crédible dans nos imaginaires.
Et quand Saint Nicolas devait s’incliner devant un caractère un peu trop tortueux, c’était alors au « Père Fouettard » de jouer d’une flagellation bien souvent symbolique sur les mollets de l’irréductible mécréant.
Avec les années septante, sa place de « justicier », de « redresseur de torts » a été remise en question par différents dictats policés.
Disparition du martinet, voire du « fagotin » de brindilles, et à force disparition du personnage de notre univers…
Et si maintenant, dans le cadre de crise que nous connaissons, bien souvent Saint Nicolas ne fait plus qu’une résistance passive face aux hordes de Père Noël qui envahissent notre univers de pub, c’est bien souvent seul…
Il reste cependant quelques bastions de résistance …
Du côté de la Hollande, notre croquemitaine s’afflige du sobriquet « Zwarte Piet » et d’une tenue digne d’un valet de la cour des grands d’Espagne, il devient alors un faire valoir d’une vaste opération médiatique ou dans un pays à majorité protestante, Saint Nicolas nous refait le coup du « Débarquement » ou d’un « Pont trop loin ».
Du côté de nos contrées, les étudiants se charge de le réanimer chaque année lors des bacchanales estudiantines en pays de Liège…
Face à cette redoutable extinction, je propose donc à ces messieurs de prendre la relève et d’ainsi maintenir, voire ressusciter en Belgique, France comme en Lorraine ce mythique personnage.
Le soir du 6 décembre, demandez donc à votre compagne de venir s’agenouiller devant vous et de vous confesser les fautes de l’année (la semaine passée suffisant parfois à justifier un juste châtiment), que celle-ci n’oublie pas de déposer devant vous un verre de rhum, de « péké » ou à défaut de whisky.
Quant tout sera dit, à vous alors de voir de quel instrument vous allez user, de la main ou du martinet, pour permettre que cette séculaire tradition persiste...
crédit image Javier Guzman