Stigmata Doloris 2008


Crédit image Marco Bertin


Basiques Instincts ou quand masques et genres se mêlent

 

A quelques jours du « Mardi Gras », festivité déjà évoquée dans un de mes textes « soumonces », il est plaisant pour moi d’évoquer une exposition qui se tient à Binche, cité ancestrale vouée au culte du Dieu «Carnaval ».

 

C’est dans l’enceinte de la vieille ville que l’on peut trouver le Musée International du  Carnaval et du Masque.

Lorsqu'on évoque celui-ci, l'image qui vient en tête n'est pas forcément sexy.

On s'attend à une promenade tristounette au pays du Gille et du folklore wallon.
Du sabot et de la plume d'Autruche.

Détrompez-vous.

Ici, vous verrez des phallus en érection, des vagins attentifs, des coïts monumentaux.

 

En effet, le masque est universel. De tout temps, l'homme "a ressenti la nécessité de changer d'apparence pour invoquer les dieux ou les esprits de la nature, pour affirmer sa différence ou souligner son pouvoir, pour marquer les moments importants qui jalonnent sa vie ou encore pour se divertir".

D'où la notion de carnaval, cet espace-temps où, derrière le masque, tout semble permis.

 

Basiques instincts a décidé de montrer une autre fonction du masque: la sexualisation.

Ainsi, les premières salles intitulées "Vénérables vagins et phallus sacrés" montrent que les représentations sexuées sont présentes dans l'art et les cultures depuis la nuit des temps.

 Il sera ensuite question d'initiation, de ce tournant de la vie où l'enfant devient un homme ou une femme.

Rituels d'initiation chez les filles (dont les Indiens Ticuna à l'occasion des premières règles des jeunes filles ou les Mendé et la circoncision féminine). Initiations pour les garçons aussi.

Femmes tentatrices, fusion des genres, le masque et les carnavals se découvrent donc peu à peu comme des modèles de sexualisation.

Basiques instincts nous ouvre les yeux sur de réelles ouvres d'art (certaines pièces sont magnifiques) mais aussi sur une réalité qui nous était passée sous les yeux.

Dans les carnavals, "la bagatelle ou l'exhibition des corps désinhibés par la joie et la chaleur humaine deviennent de véritables libérations des instincts".

La sensualité est exacerbée, la séduction est la norme, les hommes se déguisent en femmes pour le caractère subversif de l'acte, certes, mais aussi pour en exagérer les attributs afin d'exprimer davantage leur désir. Une exposition pornographique?

Non. Anthropologique!

 

Cette exposition a pour but de présenter l’aspect sexué et sexuel des traditions masquées.

Les pièces exposées mettent notamment  en scène les rites de passage chez les filles et les garçons, le rôle de la femme et de l’homme dans les traditions masquées où la notion du genre et de la sexualité est prépondérante.
L’exposition est surprenante mais n’a rien de choquant ni d’osé si on resitue les objets dans leur contexte social et les costumes dans leur contexte festif.

Dès lors, toute forme de censure a été écartée et le langage et le fond se sont gardés de toute forme de racolage.

 

Cette exposition met en scène la question des relations entre les hommes et les femmes.

En effet, cette question du « genre » est revenue sur le devant de la scène.

Plutôt ringarde dans les années 1980, elle nourrit à nouveau largement le débat scientifique et public.

La notion de genre et, plus encore, celle de la sexualité sont passionnantes à explorer; leur vécu, l’iconographie et la mythologie qui les entourent varient autant qu’on compte de cultures humaines.

Elles jouent un rôle fondamental dans les représentations collectives des rapports entre les sexes, la façon dont les individus se construisent, vivent leur intimité, envisagent l’acte sexuel, comprennent la conception d’un enfant et acceptent la distinction entre relations licites ou non (l’inceste, par exemple), sans oublier, par extension, les rapports face au pouvoir, au travail, à la richesse et aux rites.

Dans toute société, la sexualité fonctionne aussi au « profit » de multiples réalités (économiques, politiques, religieuses, etc.), qui ne sont pas directement liées au sexe et aux sexes.

C’est dans ce contexte général que l’ensemble d’une société éduque, conditionne, transmet, ordonne, sanctionne et sexualise par le masque, même si celui-ci relève a priori d’un univers majoritairement masculin.

Ainsi près de 200 pièces – photographies, masques, costumes et accessoires- occupent le rez-de-chaussée mais également une partie du premier étage ; certaines sont prêtées par le Musée Royal de l’Afrique Centrale de Tervuren, le Musée d’Ethnographie d’Anvers, le Musée du quai Branly de Paris mais également par des collectionneurs privés.

Si notre culture occidentale judéo-chrétienne considère souvent les représentations sexuelles ou érotiques comme vulgaires et pornographiques (surtout dans la représentation religieuse), d'autres cultures abordent les thématiques sexuelles sans tabou !

Rapports entre les sexes, maternité, conception, relations illicites, actes sexuels… tous ces éléments jouent un rôle fondamental dans la vie et sont donc représentés.

Scénographiée par la directrice du Musée Christel Deliège, l'exposition entraîne le visiteur, sans racolage ni voyeurisme, à la découverte des pratiques et rites parfois anciens, parfois encore pratiqués de nos jours.

Le premier étage du musée, uniquement accessible aux plus de 16 ans, est consacré au travail du photographe Marco Bertin dont certains clichés ont inspiré Stanley Kubrick pour son célèbre "Eyes wide shut".

Des clichés parfois sulfureux de soirées très "spéciales" du Carnaval de Venise !


Il est clair que profitant d'un léger moment de repos amplement mérité, clochette et moi-même risquons fort d'y jeter un coup d'oeil curieux, éclairé voire ludique. 

 

Exposition jusqu’au  19 avril 2009.

 

http://www.museedumasque.be/

 

Musée international du Carnaval et du Masque
Rue Saint Moustier, 10 - 7130 Binche – Belgique

 

 

Ven 20 fév 2009 Aucun commentaire