Stigmata Doloris 2008
Marquis...
Un "ovni" dans la création visuelle, un film quasi "inconnu" même si il a été considéré en son temps comme "frondeur", "osé" et surtout un tantinet un peu trop "réfléchi" pour le public de
Canal+ (endroit où je le vis, crypté, pour la première fois...)
C'est avec Henri Xhonneux que Roland Topor entreprend une adaptation de la vie
du marquis de Sade en
1988, présentée au public l'année suivante, au moment de la célébration du bicentenaire de la Révolution Française.
L'œuvre, uniquement interprétée par des acteurs en masques représentant des animaux (Marquis) déconcerta et la critique et les spectateurs. Le temps aidant, "Marquis" est aujourd'hui devenu un film culte.
Il est vrai que pour qui ne connaît pas le marquis de Sade, les références qui ne manquent pas dans le
film, quant à la vie ou l'oeuvre du "Divin Marquis" risquent d'être assez obscures et je peux donc comprendre la réaction d'un public peu averti de la véritable histoire de Donatien Alphonse
François, marquis de Sade.
Loin de moi de dresser un portrait du susdit marquis, portrait débarrassé des mythes et légendes, dans ce sujet...
J'en ai parlé ailleurs en son temps et probablement que je remettrai cela de façon plus ordonnée dans un avenir proche.
"Marquis" est donc une réalisation visuelle hors-norme de Roland Topor, celui qui a fait "flipper" en son temps moult générations de têtes blondes (ou moins blondes) avec la réalisation de
"Téléchat" et ses présentateurs vedettes Grouchat et Lola (regard vide de toute intelligence).
Scénarisé par Roland Topor, produit par Eric Van Beuren et réalisé par Henri Xhonneux, "Marquis" plonge dans un univers sadien, reconstitué avec beaucoup de finesse jubilatoire et de
sensibilité.
A la veille de la révolution française, Marquis, le chien de la monarchie, est emprisonné à la
Bastille.
Isolé dans sa cellule, il n'a d'autres distractions que l'écriture et les dialogues qu'il entretien avec Colin, son sexe doué d'autonomie, de la parole et d'un sens critique pour le moins
impertinent.
Colin et Marquis philosophent et discutent de littérature, d'art, et de liberté sexuelle et politique.
Parfois ils se disputent.
Colin accuse Marquis d'être un utopiste, un idéaliste neurasthénique et verbeux.
Marquis reproche à Colin son impulsivité, sa vulgarité.
C'est alors la rivalité pour savoir lequel des deux, en réalité, dirige l'autre.
La dimension symbolique de cette superbe idée, tout à fait dans la veine de Topor, est encore renforcée par le
fait que tous les protagonistes de cette histoire sont des animaux.
Le film est joué par des comédiens qui ont tous le visage caché par un masque (qui, sur le tournage, empêchait les acteurs de voir).
Marquis est un cocker aux oreilles tombantes.
Il s'affronte à Don Pompero, un ecclésiastique caméliforme, qui condamne en public la licence des oeuvres de Marquis mais s'affaire en secret à les lui voler, pour les revendre à son profit à un
libraire hollandais à face de hareng.
Il y a aussi le geôlier, un rat inverti qui ne rêve que de faire subir à Marquis les derniers outrages, le gouverneur de la Bastille, un coq aux penchants sado-masos, et bien d'autres
personnages.
Sans oublier Justine, malheureuse et vertueuse vache persécutée par le vice, jetée par Don Pompero dans les bras de Marquis pour lui voler ses livres et qui fera naître chez ce dernier, un tendre
sentiment, ni Juliette, une maîtresse jument qui fomente la révolution et cherche à faire évader le conspirateur Lupino en se livrant avec le gouverneur de La Bastille à des séances plutôt
épicées.
Parmi tous ces personnages emblématiques d'une société décadente et corrompue, à bout de course, Marquis, le dissolu, apparaît comme le personnage le plus digne, le plus intègre et le plus
moral.
Ce film a été réédité en DVD en 2004 mais cette réédition semble avoir été un véritable "chant du cygne" pour ce film qui au final peut-être considéré commme
"culte".