16- Histoire d'une rencontre...



Il y eut une époque où le "Loup" n'était pas...

Pas sur le net, pas de micro digne de ce nom quoique la « bécane » que je possédais me permettait de programmer et de créer mes propres utilitaires en langage machine (un « basic » codichiffré), pas de photos et autres images que celles de papiers glacés accumulées dans ma jeunesse et que divers achats discrets dans des librairies permettaient d'achalander, pas de demoiselles dans mon entourage capables de partager mes envies et autres rêves...

Une époque où l'individu que j'étais, ronronnait doucement ses pensées avec cependant un petit quelque chose d'indéfinissable.
Avoir « presque » tout et ce sentiment de manque qui augmente avec le temps, l'impression de s'être fourvoyé quelque part, de s'éteindre, de se cantonner dans un rôle rassurant « d'homme », de « père », de « mari dévoué »...

Mes envies et mes projets de jeune adulte étaient passés à la trappe des chimères, dans mes cartons secrets, des rencontres fanées, des élans brisés, de la passion étouffée...

Et puis, il y eut ce jour étrange ou une petite boite bleue vint se loger près d'une prise de téléphone, connectée à un ordinateur tout neuf, elle fut le déclenchement d'un tas d'événements qui se succédèrent à un rythme effréné.

Cette petite boite bleue, un « viagra existentiel », révolutionna mon existence, ouvrit un nouveau chapitre de mon existence, dépoussiéra mon « devenir ».

Ceci fut d'abord quelques recherches d'images, des mots glanés ici et là, un « moteur de recherche » qui fit son travail plus que mieux et l'arrivée sur des sites érotiques, porno, mais dont le point commun était la passion pour le « bdsm », mon autre nature, ma nature de « Loup » en somme.

Un site un peu mieux présenté, des photos copillés ici et là sur le net et soudain quelque chose d'inconnu pour moi, en bas de page, un "forum"...
Un drôle de nom, une souris qui s'égare, une porte qui s'ouvre et un univers qui s'éclaire.

J'étais encore innocent à cette époque pour avoir pris comme pseudo mon propre prénom, le temps m'appris qu'il valait mieux se fondre dans l'anonymat, se trouver un pseudo « original » à toute vitesse, réagir en urgence parfois.

Je fis donc mes premiers pas sur ce site, mes premières expériences de rencontres virtuelles, une époque assez bizarre de compromis et d'égarements rhétoriciens.

Mes soirées se prolongèrent, le temps « Internet » devint irréel, une fuite en avant, mes « fantômes » et autres « démons » réapparurent, des envies de parler à ce gens, que des envies de discuter, aucunes envies de rencontrer quelqu'un de virtuel, loin de moi cette poussée ultime de casser un fragile édifice familial.
Un édifice de papier en somme...

Il y eut quelque clash, pas à cause de moi, mais déjà certains caractères se firent jour, des « pleureuses », des « provocatrices », des « dictateurs »...

Et un petit animal qui apparut en novembre, un drôle d'être qui crapahutait ici et là, dans d'autres forums, un drôle de nom, un caractère espiègle, des tranches de rire aussi sur le net.

Tout aurait pu se cantonner à ces échanges sur le net, si il n'y eut cette épidémie de grippe...

Des échanges, il y en avait sur le forum mais pas de mails ni autres, j’étais dans un univers virtuel qui parfois m’apportait enfin des réponses sur des questions plus qu’existentiel.
Pourquoi aimais-je cela, y avait-il réellement de jeunes femmes qui appréciaient le « sm » en dehors des professionnelles et autres vénales, étais-je un mutant, un anormal ?
Bref un tas de questions que j’avais mis de côté dans l’espoir que le temps et les habitudes les auraient étouffés.

Et puis, il y eut une épidémie de grippe généralisée, un peu partout, les parents restaient au foyer s’occuper des enfants qui ici et là s’enfonçaient sous la couette en tremblant.

Un calme plat régnait sur les forums… drôle de coïncidence.
Il n’y avait plus que le « Diablotin » et moi, garde des enfants oblige,  qui dialoguions en journée sur le forum.
Et tout à coup, un mail sur ma boite, une invitation à des dialogues plus privés, à faire plus ample connaissance.

Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais dès le début, ce fut comme un coup de foudre, une décharge, nous avons commencé à parler de nous, en pleine confiance, sans secrets, sans pudeur parfois, même pas de « Messenger », des échanges de longs mails, le temps qui s’arrête…

On se découvre assez rapidement des points communs, des envies communes.

Assez rapidement, je reçois une photo d’un drôle de petit bout de femme, une « trogne » de « Diablotin », des cheveux d’ébènes, un sourire désarmant, des rondeurs qu’elle ne tardera pas impudiquement à me dévoiler avec quelques clichés flous pris avec une Webcam de fortune.
Moi, je fouille pour essayer de trouver une des rares photos de moi, et oui, aimer la photographie ne veux pas dire avoir des photos de soi, bien souvent on s’en trouve dépourvu.
Un cliché relativement flou d’un monsieur faisant du kayak sur une rivière ardennaise sera le premier aperçu d’un « Loup » à venir.

Nos échanges par mails se font plus intenses…
Moi, en toute innocence, je ne méfie pas des pièges qu’elle va me tendre.

Quelques jours vont passer à une vitesse luminique.
De longs échanges tumultueux sur le forum avaient lancé le sujet du « macho », titillé par l’idée de faire intervenir un « macho » pur et dur et de bousculer certains trublions qui annones en cadence des vérités soixante-huitardes, la demoiselle me contacta en me proposant de lancer le sujet et de suivre avec des posts du même genre.

J’admets que je fus téméraire et maladroit, l’arrivée de « Sven Mentor », macho pur et dur, tendance  exponentielle « beauf » fut assez grossière et vulgaire.

Ayant lancé le sujet en début de soirée, je dus m’absenter…
« Lancer » étant un faible mot, j’avais déversé un flots de trivialités en un post incendiaire laissant le soin au « Diablotin » de  suivre.
Cadeau empoisonné s’il en est…

Quand je revins sur le « Net », ce fut pour constater les dégâts car la situation avait dégénéré.
Voulant poursuivre sur le sujet, le « Diablotin » avait répondu mais…en laissant sa signature par omission.
Ma boîte e-mail était envahie de messages paniqués, de demandes d’explications et d’affirmations que le « Diablotin » était un « homme », vu le langage qu’elle employait, sa vulgarité et autres tournures de langue.

Il y eu un doute…
Et si c’était vrai, si le « Diablotin » n’était qu’un moustachu, un mec, un macho ?
Si nos échanges étaient faux, remplis de mensonges ?

Avec le recul, je trouve que j’avais été bien innocent voire stupide mais c’était le début du « Net » pour moi, comme pour elle.
Le temps m’a appris à prendre des précautions même si parfois, je me surprends encore à certaines confidences intimes.

D’un côté le doute me prend, de l’autre le désir de dédouaner le « Diablotin » qui se voit acculer par des hystériques, j’ai toujours eu cet esprit de « Chevalier blanc », loin de l’esprit « Sergent Garcia », avec certains bonheurs et souvent aussi des heurts.

Que faire ?
Les chose se passent alors très vite, un échange de mails entre un des intervenants et le « Diablotin », son numéro de portable qu’elle m’envoie, un coup de fil que je passe et enfin la confirmation d’une voix toute féminine, un drôle d’accent qui par le plus pur des hasards disparu avec le temps, une histoire d’oreille, l’adaptation de mon ouïe au langage du « poulbot ».

Le premier piège du « Diablotin » avait été posé, le « Loup » tombait sous le charme de cette voix chaude et suave…


Grand Nord mars 2007