Textes 5- Kitsune...
Toi qui me lis, tu ne me connais pas.
Tu n’as aucune idée de mon existence, de qui je suis et pourtant, inconsciemment, malgré tout, malgré moi, tu rêves de me rencontrer.
Même si ce n’est que pour quelques minutes, même si c’est pour en mourir.
Je vis dans les contrées oubliées de Chine et je suis la plus belle femme qui ait jamais foulé la terre de ses pieds.
J’ai d’ailleurs les pieds les plus magnifiques, les plus petits et les plus doux de ce pays, du monde peut-être.
Je suis unique parmi ces milliers de femmes, femmes effacées, femmes timides et effarouchées, femmes à la chevelure raide et noire de jais, femmes aux yeux sombres étirés vers les tempes.
Ma peau est blanche, mes yeux grands et verts comme l’émeraude.
Ma chevelure opulente est rousse et flamboyante, elle tombe jusqu’à mes reins en cascade de boucles emmêlées, crinière sauvage.
Mon corps est fait pour l’amour et le plaisir charnel.
Tout homme qui pose ses yeux sur moi se trouve immédiatement envoûté par mes charmes et ne peut plus vivre sans avoir connu l’étreinte furtive de nos deux corps emprunts de désir. Mon corps est
courbes exquises, la cambrure de mes reins un appel à la luxure, mes yeux de velours une tentation au pêcher.
Je m’appelle Kitsune, je suis la femme renarde.
J’erre dans les campagnes à la recherche de proies, pénétrant dans les auberges à peine vêtue d’un long kimono de soie et toujours j’en ressors suivie d’un homme sensible à l’appel de la
chair.
Certains devinent qui je suis et pourtant, ils me suivent quand même.
Qu’ont-ils en tête alors ? Sont-ils prêts à mourir pour quelques minutes d’extase ?
Car je suis la Kitsune, la femme renarde.
Carnassière, carnivore et cannibale.
Je suis de la race des vampires et me délecte du sang de mes amants.
Une ou deux fois par an, j’en dévore un et recommence le cycle éternel de ma vie.
Parfois femme, parfois renarde, j’ai en moi les deux facettes de mon être, étroitement mêlées et il m’est impossible de les dissocier.
Toujours femme, toujours renarde, toujours Kitsune.
Parfois vous me verrez passer, ombre furtive louvoyant à travers les arbres ou tapie sur le sol. Vous verrez mes yeux verts briller dans la nuit et vous m’entendrez glapir.
Vous admirerez ma fourrure rousse et ma queue magnifique.
Vous verrez la souplesse de mon corps, la grâce de mes bonds.
Vous verrez tout cela et alors vous saurez qu’en cette renarde vit une femme.
Parfois vous me verrez passer, éclatante parmi les autres ombres, désireuse d’être remarquée, vue, regardée, désirée, jalousée.
Vous verrez mes yeux verts étinceler de désir et de faim insatiable.
Vous m’entendrez gémir de plaisir.
Mais alors il sera trop tard.
Vous devinerez la renarde qui se cache en moi au moment même où mes crocs pointus s’enfonceront dans la chair tendre de votre cou.
Toujours sauvage, toujours en chasse, toujours lascive, toujours affamée.
Oui je suis la Kitsune et ce soir j’ai faim.
Mes pas m’amènent à l’entrée d’une auberge.
Je rôde, attirée par le parfum masculin d’un homme.
Pas tout à fait inconnu, pas tout à fait familier mais qui m’attire et m’attise.
Cet homme se tient debout sous le porche, seul, avec dans les yeux toute la mélancolie des étoiles.
Il a un parfum de solitude.
Oh homme, te sentirais-tu seul ?
Abandonné ?
Aurais-tu perdu tout espoir ?
Toute envie de vivre ?
Oh homme, je suis là pour toi, je vais exaucer tes vœux secrets.
Je vais te rejoindre et t’enivrer de mes charmes, te redonner goût à la vie, te faire renaître pour ensuite mieux te tuer.
Je vais te soulager, te sauver, te soustraire à cette vie que tu n’aimes plus, que tu ne veux plus. Je suis ton destin, je le sens.
Oh homme, regardes-moi.
Regardes mes yeux verts qui brillent dans la nuit et laisses-toi t’y noyer, sombres dans mes lacs sombres.
Oh homme, prends ma main et suis-moi, mets tes pas dans les miens et va vers ton destin.
Je ne sais qui tu es mais je te veux.
Tu n’as rien, tu n’es rien mais tu es.
Pourquoi toi je ne sais mais je n’en veux nul autre.
Ce sera toi.
Ce soir et les autres soirs aussi.
Non, pas les autres soirs.
Je perds la tête.
Ce soir sera l’unique soir car demain tu ne seras plus.
Par ma faute, par ma bouche.
Ton sang coulera dans mes veines, mélangé au mien.
Tu pourras être fier de toi.
Nous voilà au milieu de cette petite clairière où le hibou chante sa peine monotone et où la lune se mire dans le reflet de chaque brin d’herbe au parfum d’été.
Je me retourne vers toi et recule.
Un pas, encore un autre pas.
Tu pourrais avoir peur et fuir.
Ne sais-tu vraiment pas qui se tient devant toi ?
J’en doute.
Tes yeux me parlent et me disent que tu sais, accepte et désire.
Encore une énigme pour moi.
Mes yeux se plantent dans les tiens, deux pierres polies d’un vert de jade, comme un couple d’inséparables amoureux, qui brillent dans l’ombre de ta capuche et mes doigts agiles se défont d’un
nœud complexe.
Alors j’écarte les pans de mon kimono et je laisse la soie glisser sur mes épaules et sur mes bras pour choir dans l’herbe dans un bruissement de chiffon.
Me voilà nue devant toi, appât tentateur.
Tes pas te portent vers moi et tes mains se posent sur moi, capturent ma nuque et ma taille fine, assaillent mes seins.
Je suis surprise de te voir oser.
Le feu sous la glace. Ardent.
Souvent les hommes n’osent pas me toucher et c’est moi qui les prends, sauvage et libre comme l’amazone.
Je ne suis pas de celles qui s’abandonnent, qui plient et ploient sous la force des douces caresses.
Jusqu’à ce soir en tout cas, je ne l’étais pas.
Mais toi tu es différent et je me laisse aller au plaisir que distillent tes mains d’homme.
Je lève ma main pour faire tomber ta capuche en arrière mais, vif comme l’éclair, tu bondis et stoppe mon geste dans son élan.
Tu secoues la tête négativement.
Soit.
Si tu veux te dissimuler là dessous et bien fais à ta guise, je ne saurais rien te refuser pour tes dernières volontés.
D’ailleurs que veux-tu ?
Comment me veux-tu ?
Où me veux-tu ?
Mon corps nu brûle et se consume.
Une nouvelle question vient me hanter l’esprit.
Qui es-tu ?
Peu importe, tu n’es qu’un amant, une proie, un repas.
Que pourrais-tu être d’autre ou de plus ?
Question sans réponse, balayée par la fougue d’un baiser avide.
Tu te fais puissant et volontaire, tu te fais plus…animal.
Soudain je me sens étrange.
Pourquoi est-ce que j’ai cette impression de ne plus être seule, d’être deux ?
Je me reconnais en lui.
Le voilà qui me lèche, me mors, me griffe et me voilà qui lui réponds avec autant de rage, de hargne et de passion.
Ebats torrides, étreintes bestiales.
Moi nue devant lui et lui qui ne veux rien dévoiler.
Nous tombons à genoux dans l’herbe et basculons ensemble, les mains unies, les doigts soudés. Je pourrai alors planter mes crocs et lui ôter son souffle vital.
J’en ai le besoin impérieux et le désir, la pulsion et l’instinct.
Ma bouche s’ouvre mais déjà j’hésite, vacille, je ne sais plus, je ne suis pas sûre, je doute, j’ai peur.
Une fraction de seconde qui lui permet de clore ma bouche d’un baiser sans appel.
Je soupire et cesse de penser.
Demain.
Oui demains serait un autre jour.
Pourquoi ne pourrais-je pas laisser la vie à celui-là ?
Demain je me remettrai à la chasse, demain seulement je mangerai.
D’ici là mon corps souffrira, mes entrailles crieront et mes forces s’étioleront mais je survivrai et lui aussi.
Je veux qu’il vive.
Je veux l’aimer cette nuit, voler cet instant à mon destin.
Etre plus forte que lui.
Mon corps lui dit tout cela et bien plus encore.
C’est alors qu’il baisse son pantalon et s’enfonce en moi, me faisant glapir, puis grogner au rythme de ses élans.
C’est alors que je m’envole jusqu’au plaisir et que je retombe perdue dans l’herbe douce. C’est alors que mes yeux se font lacs miroitant, reflets de ma détresse, de mon incompréhension.
Qui es-tu ?
Que m’as-tu fait ?
C’est alors que tu me souris et rejette ta capuche sur tes épaules.
Tes cheveux sont flamboyants…
Texte de Licorne-Noire (trouvé sur le forum de doctissimo)
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