Textes 5- Post infernal.



Post infernal.



L’enfer, oubliez tout ce que vous imaginez, tout ce que l’on vous a appris, tout ce que vous croyez...



Une vaste cité ultramoderne, high-tech, des tours de verre et d’acier.

Un immeuble gigantesque, celui de la « Satan Corporation », un étage à la pointe de celui-ci, le 666 ème.



Etendu dans son jacuzzi, Lucifer regarde les écrans sur lesquels défilent les dernières informations de la Terre, Pluton et autres endroits infernaux.

De temps en temps, il jette un petit canard en plastique dans le flot de lave qui bouillonne autour de lui et s’extasie devant la mine atterrée de l’objet de silicone qui fond faisant de multiples grimaces.

Un des rares plaisirs de cette matinée qui s’annonce fort chargée.

Il étend ses jambes, les sabots fourchus sortent du bain bouillonnant et reflètent la lumière des halogènes design.

Il se remémore avec délice, sa virée de la veille, un sabbat improvisé par quelques donzelles en mal de sensations.

Quelle idée avaient-elles eu de tracer un cercle magique et d’improviser quelques mélopées tirées d’un quelconque ouvrage dit de « vulgarisation ».

Un simple appel sur la ligne direct de l’enfer aurait suffit se dit-il...

La surprise fut totale quand ces jeunes demoiselles, au fin fond d’un grenier d’une pension suisse avaient vu apparaître Lucifer dans toute sa splendeur.

Dans les ombres agitées des reflets des quelques bougies, elles avaient découvert les amours infernaux, les jeux les plus lubriques, ceux du Divin Marquis, le « public relation » de la « Satan Corporation ».



-J’adoooooore les sabbats, s’exclama-t’il d’un ton de comédie française en piquant de l’ongle de son index un sushi qu’il porta à la bouche.

Il avait gardé les coordonnées de quelques-unes de ces demoiselles, au cas où...

Les relations d’affaires cela se préserve, s’entretient.

Déjà qu’une funeste erreur de marketing, il y a de cela 6000 ans avait fait loupé complètement sa première campagne de publicité...

Pour le plus grand bonheur de la « Jehova Paradise Inc », entreprise concurrente qui profitant de la stupidité de Eve, sa secrétaire particulière, avait réussi à faire croire aux humains que le « paradis » était mieux que « l’enfer »...

Une grossière erreur qui malgré le nombre de ses tentatives ne pouvait plus être corrigée, l’obligeant à être sur le qui-vive en permanence, cherchant de nouveaux marchés et perspectives d’avenir tandis que la « Jehova Paradise Inc » vivait tranquillement de son fond de commerce.



Un bruit à la porte du bureau, salon et salle de récréation, le fit sursauter, « l’omniscience » est une fausse idée, le diable peut être surpris, l’histoire est pleine d’anecdotes où ce pauvre Lucifer se fait piéger par manque de discernement.



-Votre « méchanceté », j’ai le dernier rapport des activités de nos commandos infernaux...

C’était un Troll, un secrétaire particulier, aussi bête que Eve mais qui au moins ne laissait pas traîner des trognons de pomme partout.

-Bon, j’écoute, dites-moi ce qui se passe en « Humanité ».

-Quelques doléances et situations problématiques, le quotidien, votre « horreur ».

Mais, je dois attirer votre attention sur quelques cas un peu plus pointus, voire très...ennuyeux.



Aïe, se dit Lucifer, connaissant ce Troll et sa façon d’aborder les choses, je crois que je n’aurais pas le temps de me faire un Green aujourd’hui.

-Pressons, les affaires secondaires, vous pouvez les confier à Belzébuth, il a toutes les aptitudes.

Voyons donc les points litigieux...



Sur l’écran plasma, une image de la télévision chinoise, floue, montrant une créature géante courant dans des champs de neige...

-Euh, c’est quoi cela ? dit Lucifer.

-Un problème de transfert de Monsieur Filou, il a inversé certaines coordonnées et il s’est rematérialisé au Tibet.

Bien entendu, quelques touristes japonais en mal d’aventure étaient présent, d’où ces images, votre « cruauté ».

-Où en est la situation ?

Lucifer commençait a être irrité, les dernières histoires de Yeti et autres hommes sauvages dues à des dysfonctions de transmetteur avaient déjà coûté quelques millions « d’âmes », l’unité monétaire de l’enfer.

-Monsieur Filou s’est rendu compte qu’il n’était pas à Courchevel et délaissant sa pelle à neige s’est empressé de se perdre dans les sommets enneigés.

Cependant, à la vitesse à laquelle il se déplace, nous aurons bientôt besoin de l’aide de « Vishnou Limited »...

-Des rats !

Ces indiens de « Vishnou Limited » étaient des rats en affaire, Brahmâ, un transfuge de la première heure avait réussi à insuffler chez ses troupes un rare esprit mercantile que seul les chinois de « Guan Yu » dépassaient.

Lucifer s’imaginait déjà les transferts « d’âmes » de ses comptes suisses vers les comptes de la « Vishnou Limited » et la tête hilare de ce satané Saint-Pierre...

Non, franchement la journée commençait très mal.

Si seulement, il avait pu profiter de cette petite blonde qui s’était découverte lors de ce sabbat improvisé quelques talents à profiter pleinement des attributs de Lucifer.

Il en avait encore l’appendice caudal tout douloureux.

Suspendue aux poutres ancestrales de cette institution huppée, la demoiselle se balançait en rythme, s’empalant sur sa queue fourchue, poussant des cris de possédées, accélérant la cadence tandis que Lucifer possédait une jeune Taïwanaise qui émettait des gémissements cristallins tandis que des flots de semence infernale s’écoulait en elle.

-Je présume que dès que Monsieur Filou sera pris en charge par la « Vishnou », Brahmâ nous contactera pour un rapatriement...

Vous décompterez du salaire de Monsieur Filou, le prix de cette pelle à neige qu’il a laissé sur le toit du monde.

-Bien votre « vilénie », j’ai une autre affaire à vous présenter...



Ceci dit, le Troll dépose devant les yeux incrédules de Lucifer, une note de frais venant d’Aranam.

-Encore !

-Oui, votre « onctuosité », des réparations pour des dégâts à son salon.

-Une histoire d’eau, je présume, c’est d’une telle évidence...

Je présume que c’est un lavement qui s’est mal déroulé, un suppositoire qui est mal passé...

Bon, je passe sur cela, envoyez la facture au service de comptabilité, avec ces bureaucrates, cela va prendre quelques décennies avant qu’Aranam soit défrayé, mais au moins j’aurai la paix.

Point suivant !



-Euh, votre « saleté », c’est le point le plus délicat, j’ai préféré le garder pour la fin...

Cela sent l’embrouille à plein nez, Lucifer devine une gêne mal contenue dans les attitudes du Troll qui se tortille comme si il avait marché sur un rameau d’olivier.

-Alors, dites-moi, que se passe-t’il ?

Pourquoi cette attitude comme si vous aviez mangé une hostie ?

Le Troll claqua du doigt et de la porte d’entrée un groupe de Satyres entre poussant un chariot contenant des piles de listing d’imprimantes.

-Qu’est-ce donc, un bug informatique ?

Une facturation éhontée de nos frais divers, une malversation financière ?

-Non, votre « scélératesse », c’est... le Diablotin...

Le silence s’abat dans cet antre infernal, Lucifer a même un frisson qui lui parcourt l’échine.

-Vous voulez dire « le » Diablotin ?

-Oui, votre « cruellisime », elle a encore fait parlé d’elle hier soir...

Nous présumons que le froid et la neige de même que l’absorption d’eau bénite a provoqué chez elle une crise de « zébulonite » aigue.

Nos satellites d’observation ont remarqué une recrudescence d’activité sur Pluton, de même que des transferts d’informations à une telle vitesse que cela a provoqué une rupture de communication.

Passant d’un endroit à l’autre, rebondissant sur les murs, elle a déclenché quelques séismes.

Nos commandos ont essayé de les faire passer pour des vibrations de poids lourds un peu partout dans le monde mais le travail est titanesque.

Même l’équipe du Splendide a dû abandonner la promotion de son film pour aider nos équipes techniques.

Ces vibrations ont provoqués des ruptures de canalisation un peu partout, donc...des inondations.

Lucifer commence à saisir la gravité de la situation.

La précédente crise du « Diablotin » avait déjà déclenché l’extinction des dinosaures et la réalisation des « Visiteurs 2 »...

Tant de cruauté dans un si petit être, une bénédiction pour qui pouvait contrôler le petit animal mais cela s’avérait de plus en plus impossible.

-Qu’a-t’elle encore fait ? dit Lucifer sachant que le « Diablotin » ne s’arrête jamais en si bon chemin...

-Eh bien, votre « méchanceté », elle ne répond plus à nos messages et injonctions et continuent à provoquer catastrophes multiples ici et là.

Nous présumons que l’erreur d’orientation de Monsieur Filou est due à une rupture de faisceau satanique.

Et que bien entendu, le « Diablotin » en est la cause.

Les quelques messages que nos services d’écoute parviennent à traduire sont des borborygmes et des propos provocateurs.

-Avez-vous pensé à envoyer le forgeron d’Hyperborée, il semblait qu’elle avait émis le voeu de se faire « elfe » un instant.

-Impossible votre « décrépitude », ayant été transformé en Loup-garou par une elfe écarlate, celui passe ses journées à courir dans les landes glacées d’Hyperboria, s’arrêtant seulement de temps en temps pour se gratter, infesté de puces qu’il est.

Il a fort à faire surtout qu’il y a deux satellites, Phobos et Deimos, donc deux fois plus de pleine lune, une conséquence inattendue...

-Pensez-vous qu’un lavement soit salutaire ?

La dernière fois, cela avait porté ses fruits, le « Diablotin » s’était instantanément calmé.

Une véritable bénédiction pour nous tous...

-Notre seul spécialiste du lavement est en train d’éponger son salon votre « crapulissime ».

Il a fort à faire...de plus vous savez qu’à son âge, il n’est apte que le matin et le soir.

-Effectivement la situation est grave, voire catastrophique.

Il reste notre arme secrète, celle que nous utilisons en dernier recours...

-Vous voulez dire... ?

-Oui, je crois que c’est notre seule solution.

Par « Asmodeus », si nous n’intervenons pas maintenant, les dégâts vont être encore plus importants.

Déclenchez le plan « H ».

-Votre « zoophilie », c’est peut-être un peu exagéré, ne croyez-vous pas qu’une simple « Dragée au poivre » serait suffisante.

-Non, Troll, nous devons frapper fort et maintenant.

-Et si nous utilisions la « Mère Denis », elle est redoutable, impitoyable et ses capacités pour descendre les innocents en flamme sont reconnues par tous.

-Non, non !

Elle manque de psychologie et vu son âge plus qu’avancé, elle ne tiendra pas la longueur devant le « Diablotin ».

Contactez notre homme et préparez ce dont-il a besoin.



C’est ainsi que quelques heures plus tard, dans le ciel qui surplombe la colline aux renards, des navettes infernales commencent à larguer des containers dument lestés.

Le commun des mortels qui profitent de ce mercredi après-midi n’ose soupçonner qu’à l’intérieur se trouve l’arme la plus redoutable, l’arme ultime, le seul moyen de contrôler un « Diablotin » shooté à l’eau bénite et atteint de « zébulonite » aigue.



Au sol, un Monsieur en costume sombre s’approche de la porte d’entrée, des lunettes noires dissimulent son regard, il appuie sur la sonnette, des cris et des bruits de courses.

Shanane ouvre la porte, les traits fripés par une nuit de bacchanale.

-Hervé, qu’elle surprise !

Se saisissant d’une immense planche à découper, dissimulée derrière son dos...

-« Diablotin », j’ai une mission à accomplir.



Beaucoup plus bas, beaucoup plus loin, au sommet de la tour de la « Satan Corporation », Lucifer se verse un whiskey irlandais.

Ouf, le calme est enfin revenu en enfer, tout au moins pour un instant.



L’enfer, oubliez tout ce que vous imaginez, tout ce que l’on vous a appris, tout ce que vous croyez...



Février 2006...

Ce texte n'est qu'un conte humoristique.

Un petit hommage au Diablotin et aux quelques Messieurs qui y sont représentés.