Mardi 18 novembre 2 18 /11 /Nov 09:40

crédit image Luis Royo

Voici la troisième partie de l'entretien rapporté par Robert Stoller.

 

Dan: - Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je ne me rappelle pas un moment où je n'ai pas ressenti une charge électrique ou sexuelle par rapport au bondage ou au sadomasochisme, avant même d'éprouver des sensations sexuelles.

C'était toujours - jusqu'à ce que je commence à sortir avec des filles - des sensations solitaires, masturbatoires, même avant que je me masturbe.

Tout d'abord, j'ai une fibrose kystique. Ce qui fait que j'ai eu des tas de maladies depuis que je suis né.

J'avais du liquide dans les poumons; on a dû me piquer avec des aiguilles pour le retirer; ma mère me dit que, quand j'étais bébé à l'hôpital, les médecins m'attachaient les poignets et les chevilles au lit pour que je ne me fasse pas mal ou que je ne fasse pas quelque chose qu'ils ne voulaient pas.

J'ai peut-être eu un appareillage qu’ils ne voulaient pas que je m’arrache de la poitrine.

Pour moi, être attaché comme ça aujourd’hui - étendu bras et jambes écartés sur le lit - c’est une position sexuelle confortable et reposante.

J’avais un cousin plus âgé que moi, qui avait une sœur, de mon âge, et j’ai un frère cadet.

On jouait tous les quatre à des jeux de maître et esclaves.

J’avais au moins sept ans quand ça a commencé.

Le cousin plus âgé était le maître et nous les esclaves.

Je me souviens de cet incroyable sentiment qui m a submergé.

C’était sexuel mais, à l’époque, je ne savais pas ce que «sexuel» voulait dire. Electrique. Un souvenir très vif.

Le maître faisait semblant de nous frapper avec une ceinture, et je me souviens que faire semblant ne me suffisait pas.

Et aussi, on faisait semblant de m’enfermer à clé dans la cabane à outils. Très excitant.

Plusieurs années de suite, on a rejoué à ça, et comme on grandissait, les jeux sont devenus plus sexuels, avec des attouchements, des caresses; on se mettait nus et quelquefois on se touchait les organes génitaux mais rien de plus.

Et cette sensation m’est toujours restée.

Quand j’étais au cours moyen, j’ai commence à m’attacher, à faire du bondage.

Dans un journal, il y avait un article qui parlait d’un père qui avait été arrêté parce qu’il avait violé ses enfants en les pendant par les poignets dans un garage pendant des heures.

Je me souviens d’avoir pensé «Ouais! C’est le pied! »

Il fallait que je sache à quoi ça ressemblait.

Alors j’ai installé une ceinture et je me suis suspendu par les poignets dans une embrasure de porte.

La porte a été fichue.

Je lisais des choses et ça me donnait cette sensation sexuelle bizarre.

A ce moment-là, je me masturbais déjà avec ces choses.

C’est devenu de plus en plus compliqué, avec de plus en plus de détails à mesure que je grandissais; je me donnais des fessées avec des raquettes de ping-pong, par exemple.

La première petite amie que j’ai eue au collège était plutôt déchaînée.

Elle m’aimait bien parce qu’elle croyait que j’étais toxicomane, à cause de ma pâleur et de ma maigreur.

Elle a été déçue: elle s’imaginait que j’étais particulier, étrange.

Alors je lui ai raconté tout ça, et ça s’est mis à faire partie de notre expérience sexuelle avant même qu’on couche ensemble.

Un jour - je devais avoir quatre ou cinq ans -, j’ai eu une forte fièvre et des convulsions.

Il a fallu m’envelopper dans des draps mouillés et glacés pour faire baisser la température et arrêter les convulsions.

J’étais sur une table de cuisine, je m’en souviens.

Je saute d’un souvenir à l’autre, au fur et à mesure que ça me revient.

Il y a une technique, avec la fibrose kystique, qu’on appelle «drainage postural» où il faut taper pour faire sortir le mucus des poumons.

On doit se mettre dans toutes sortes de positions.

Je me rappelle la première fois - je devais avoir onze ou douze ans.

C’était humiliant.

Ils sont toute une bande à vous regarder, on vous pousse pour vous mettre dans différentes positions, une femme vous tape dessus pour faire sortir le mucus.

Je me souviens d’une fois où ça m’a semblé humiliant.

Pas du tout excitant: aucun de ces souvenirs isolés ne l’est.

Pour diagnostiquer une fibrose kystique, on fait un test de transpiration.

On m a mis entièrement nu dans un sac en plastique pour que tout mon corps puisse transpirer depuis le cou jusqu’en bas.

Pendant des heures.

Le pire, ça a été d’être hospitalisé pendant trois mois.

J’avais environ huit ans. Une pneumonie.

Ça allait si mal que le prêtre est venu et s’est mis à me lire les derniers sacrements.

Ma mère lui a crié de sortir.

J’étais vraiment très malade, comme jamais je ne l’avais été.

Des aiguilles, des quantités de piqûres.

J’ai lu que des gens se perçaient et se plantaient des aiguilles dans le corps, et j’ai commencé à le faire, pas tellement parce que j’avais envie de me percer mais plutôt pour voir si j’étais capable de le faire.

Je prenais un pli du ventre pour voir si je pouvais faire passer une aiguille à travers.

Ensuite, j’ai commencé à me planter des aiguilles dans le pénis, et puis j’ai découvert que des gens y fixaient des bijoux.

Une étape me conduisait à une autre.

Il y a des gens que les aiguilles terrifient; je ne me souviens pas d’avoir jamais éprouvé ça.

 

Stoller: - Quand vous vous enfoncez des aiguilles et des clous, ça ne vous fait pas mal?

 

Dan : - Si. L’excitation prend le relais, on est électrisé.

Quelquefois, c’est douloureux et il faut que j’arrête: je ne suis pas d’humeur à faire ça, je n’y arrive absolument pas; je pensais pouvoir le faire mais je ne peux absolument pas dépasser la douleur.

D’autres fois, c’est le pied.

Je suis en train de faire ça, je m’observe presque en train de le faire, je ne me rends même pas compte de la douleur parce que le bien-être sexuel prend le dessus et la douleur est plutôt une excitation.

 

Stoller: - L’excitation sexuelle, vous la ressentez dans les organes génitaux, ou bien partout?

 

Dan : - Partout, je dirais.

 

Stoller: - Là où sont enfoncés l’aiguille ou le clou?

 

Dan : - Parfois. Mais je dois dire que c’est partout.

Je deviens très rouge, sur la poitrine, et je me mets à respirer fort.

C’est très orgastique à beaucoup de points de vue, préorgastique.

Quand ça me dit, c’est presque pareil qu’un rapport sexuel.

J’aime bien prolonger ça, j’aime bien que ça arrive plus souvent, mais quelquefois je ne peux absolument pas.

Parfois, je supporte d’avoir très mal, de faire beaucoup plus, d’aller beaucoup plus loin. D’autres fois, je suis assez ambivalent.

J’ai des périodes.

Ces deux dernières années, j’ai eu plus de problèmes de santé que jamais.

Des pneumonies et des trucs comme ça.

Quand on est seul, on a le temps de penser et de se créer une vie de fantasmes compliqués - ce que j’ai fait, c’est certain.

 

Stoller: - Est-ce que vous vous rappelez: vous êtes à l’hôpital, l’endroit le plus susceptible de faire subir une douleur physique à un enfant passif - est-ce que vous vous rappelez avoir converti la douleur ou la peur en plaisir, ou bien vos souvenirs ne remontent-ils pas au-delà de l’époque où ça n’était déjà plus traumatisant?

 

Dan : - Oui. Je ne me souviens pas que ça ait été sexuel quand c’était traumatisant.

 

Stoller: - Aussi loin que vous vous souveniez, ça a toujours été bon?

 

Dan: - Oui. Et aussi, c’étaient deux choses séparées.

L’hôpital était désagréable, mais j’avais aussi cette autre chose où je pouvais me faire ce que me faisait l’hôpital et c’était agréable cette fois.

Intéressant et excitant.

A l’hôpital, je ne savais pas à quoi m’attendre.

Mettons que je sois soumis à Pam.

Je la connais.

Je ne sais pas précisément à quoi m’attendre mais j’ai certains paramètres.

Donc, dans l’ensemble, je lui fais confiance.

Mais, même à l’hôpital, il y a des choses que je sais et auxquelles je peux me fier.

Je n’en tire pas un plaisir mais ça m’intéresse passionnément: quand je suis immobilisé avec plein d’intraveineuses, par exemple.

 

Stoller: - Allez-y. Racontez-moi des histoires horribles.

 

Dan : - J’ai appris que quelqu’un s’était fait clouer le scrotum sur une planche, deux clous dans la peau.

Je me suis demandé ce qu’on pouvait ressentir.

Il n’y avait évidemment personne dans les parages pour me le faire.

Alors je suis allé à la planche à pain dans la cuisine, j’ai pris un marteau - c’était bête; je ne savais pas ce que je faisais comme stérilisation -, j’ai fait bouillir deux clous dans de l’eau, j’ai posé une serviette en papier sur la planche, et puis j’ai enfoncé deux clous de chaque côté du scrotum.

L’excitant, c’était de penser: «Est-ce que je vais pouvoir aller jusqu’au bout? »

Pour faire ça, il faut se dépasser parce qu’il y a tellement de choses qui vous poussent à ne pas le faire.

J’ai fait ça deux ou trois fois à peu près en une année.

J’avais ce besoin pressant de voir encore une fois quel effet ça produisait.

Il n’y a pas d’érection pendant que ça se passe, mais quand tout est fini, qu’on y repense et qu’on se dit: «Mince, j’ai fait ça», alors là, j’avais une érection formidable.

 

Stoller: - Est-ce toujours comme ça: ce n’est pas pendant qu’on a mal mais seulement quand on a réussi?

 

Dan: - Presque toujours.

Avec Pam aussi, j’ai une érection quand le bondage commence, mais ensuite, la peur et l’anxiété prennent le dessus et l’érection s’arrête.

Quand tout était fini, l’érection recommençait plus fort encore.

Après, on couchait ensemble, ou je me masturbais si j’étais seul.

Mais une fois que j’ai fait quelque chose, souvent ce n’est pas aussi excitant que la première fois.

Après que je me suis cloué le scrotum à une planche, j’ai lu qu’une femme avait cloué à une planche le bout du pénis d’un homme.

Je me suis dit: «Aucun problème.»

Une certaine semaine, je me suis attaché dans mon appartement et j’ai tout préparé [rapporté plus haut].

Et je l’ai fait.

C’est la fois où j’ai raté mon coup.

J’ai tapé sur le clou une fois et il s’est enfoncé.

Mais je voulais vraiment sentir qu’il était bien enfoncé dans le bois.

Alors j’ai voulu taper dessus de nouveau, j’ai raté le clou et j’ai tapé sur le bout du pénis à toute force.

En gonflant, c’est devenu un gros nœud noir et j’ai eu une peur terrible.

J’ai arraché le clou de la planche - il était encore enfoncé dans mon pénis - et là, je savais que ça allait saigner beaucoup, alors je me suis mis dans la baignoire et j’ai retiré le clou.

Il y avait du sang partout.

Ça ne faisait pas tellement mal mais c était effrayant.

J’avais rendez-vous avec une fille ce soir-là.

Habituellement, je ne couche pas avec quelqu’un quand on n’est sortis ensemble qu’une ou deux fois.

Enfin, ça ne s’est pas produit.

Ce soir-là, c’est ce qu’elle voulait.

Je lui ai montré ce qui était arrivé; ça ne l’a pas fait fuir.

Quand on a couché ensemble, ça faisait une sensation de picotement.

Quand on a une érection et qu’on est en train de baiser, la douleur se transforme en autre chose.

Juste après que j’ai extrait le clou, j’ai eu une énorme érection et le sang coulait partout.

Je me suis masturbé et les draps étaient couverts de sang.

Vraiment une histoire horrible.

J’aime bien pousser un peu au-delà d’une certaine limite.

C’est excitant.

Le problème avec le S.M., c est qu’il y a toujours des gens pour reculer encore les limites et que certains ne savent pas contrôler ça: viols d’enfants, viols conjugaux, l’étrangleur de Hillside [un fait divers très connu qui s’est passé récemment à Los Angeles].

Nous [sa communauté S.M.], nous avons cet accord entre nous, une certaine limite générale que nous ne franchissons pas.

 

Par Grand Nord - Publié dans : Aux origines du "mal"...
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